|
ALLOCUTION POUR L’ANNIVERSAIRE DE MONSEIGNEUR GAILLOT
Monseigneur, nous vous appelons aussi de la sorte, spontanément, fraternellement, non par respect de la hiérarchie ecclésiastique, mais parce que dans « Monseigneur », il y a « Seigneur »… celui que vous servez avec ferveur dans l’exercice d’une autorité spirituelle qui doit peu au statut épiscopal et beaucoup au rayonnement de votre action évangélique, à votre charité, au don de soi dont vous montrez partout l’exemple.
J’en fus témoin lors de notre marche pour la paix, contre le Blocus de Gaza. Je vous ai vu veiller, soutenir nos camarades, prier, dormir sur le trottoir d’une avenue du Caire, devant l’ambassade de France, pendant près d’une semaine, toujours à l’écoute des autres, disponible comme une source offerte à toutes les soifs, sans manifester ni exaspération, ni fatigue, ni lassitude, en dépit des événements contraires et des cruautés faites au peuple palestinien, dans l’indifférence générale.
Je n’appartenais pas alors pas à ce groupe immense de fidèles qui vous suit dans votre apostolat, partout où vous avez eu l’audace de l’accomplir. C’est donc un grand privilège de parler au nom de tout ceux qui vous connaissent bien mieux que moi, en ce jour anniversaire qui nous réunit, non seulement pour célébrer votre âge, mais aussi pour célébrer votre œuvre.
Vous rencontrer est une chance. Ceux qui la partagent savent qu’ils ont découvert un être qui porte la parole du Christ en bandoulière, avec au fond de sa besace le pain de la générosité et le vin de la fraternité.
La Parole du Christ est-elle seulement dite, entendue et comprise de nos jours ? À l’heure où l’Institution qui la représente faillit à son devoir de vérité et de justice, votre rôle dans l’Église pauvre et nue de votre évêché, aux confins du désert, Partenia, pauvre et nue comme elle l’était dans les premiers âges du Christianisme, votre rôle, dis-je, devient plus essentiel encore. Il nous faut plus que jamais des figures d’apôtres qui témoignent que la Parole du Christ n’est pas une cathédrale déserte, une litanie impuissante, un rituel rigide et engoncé dans des dogmes archaïques, rétrogrades et parfois attentatoires à la dignité humaine comme l’illustre l’assimilation qu’a osé faire un Cardinal entre homosexualité et pédophilie, sans que nul au Vatican n’y trouve à redire.
Un autre Cardinal, tout aussi inspiré, vient de comparer le Royaume-Uni à un pays du Tiers monde, sans doute en raison du melting-pot qui fait de cette nation l’une des plus métissée de la planète tant du point de vue racial que religieux.
Après des décennies d’omerta sur d’innombrables actes pédophiles au sein de l’Église apostolique romaine, c’est sous la pression des victimes et des médias qu’enfin furent entendus les mea culpa et les excuses qu’on attendait depuis si longtemps. Sans cette mobilisation de l’opinion publique internationale, la complicité du silence aurait prévalue !
Comment vous imaginer, cher Jacques, l’apparatchik docile d’une institution qui couvre des crimes pour échapper au scandale mais dénonce en revanche avec la plus totale intolérance tout ce qui porte atteinte à ses préjugés : le mariage des prêtres, l’usage du préservatif, l’homosexualité, et tant d’acquis du progrès social et de la médecine ! Vous ne pouviez qu’entrer en dissidence et vous délivrer du joug d’une Église qui n’existe plus guère que dans l’apparat fastueux de son cérémonial et de ses traditions essoufflées alors que les fidèles désertent toujours plus les lieux de culte.
Vous, les lieux de culte, vous les multipliez, comme les petits pains ! Votre église, vous la concevez à ciel ouvert, au contact de toutes les religions, à l’écoute de toutes les spiritualités, à la recherche de toutes les âmes en quête de paix et de justice. Vous tenez votre autorité de votre cœur, de votre foi, de votre obstination à ne jamais taire ni censurer ce qui doit être dit au nom du Christ qui s’adressait à la Putain et aux fauteurs non avec la vindicte du reproche mais avec la compassion du pardon.
Vos qualités combatives sont à l’opposé de tout excès et toute violence. Elles sont l’expression d’une volonté qui refuse de succomber aux sirènes de l’hypocrisie, de la diplomatie, du consensus, de l’arrangement, bref de la compromission dans laquelle se complaisent tant de prêtres gradés plus soucieux de servir leurs autorités de tutelle que les Évangiles. Vous n’avez d’autre tutelle ni d’autre autorité que celle qui, par la voix de votre conscience, vous parle la langue des âmes souffrantes.
On vous accuse de faire de la politique parce que votre lutte pour la justice rejoint celle des militants de nombreuses causes. On se trompe. Vous ne faites que votre métier de prêtre au service des déshérités. Ce que Cesare Pavese appelait « Le métier de vivre », vous l’accomplissez dans un sacerdoce fidèle en toutes circonstances à la foi chrétienne, étranger aux idéologies et aux discours démagogues. Vous ne servez que l’être humain, et ce qui dans l’humanité porte le signe ineffaçable et imprescriptible du divin.
Nous vous aimons parce que vous vous levez contre toute atteinte à la dignité de nos frères en rappelant que le mal que l’on fait à un être, on vous le fait subir aussi, et on le fait subir à chacun d’entre nous, car nous sommes tous semblables ; nous vous aimons parce que vous supportez l’opprobre, la délation, parfois l’injure, avec l’abnégation de l’apôtre indifférent aux vilénies.
Pour votre anniversaire, notre plus beau cadeau serait de vous être fidèle, en ce jour certes, mais tous les jours de l’année, en partageant votre lutte partout où vous la menez, c’est à dire dans le monde entier, auprès des peuples maudits, des minorités martyres, dans les prisons, les rues, les squats, parmi les sans-papiers, les sans-abris, les laisser pour compte qui sont les élus du Christ et dont les existences lui importait tant car elles témoignent qu’un homme qui a tout perdu est plus proche de Dieu parce qu’il est nu devant lui et que sa main se tend vers l’Autre avec l’espoir d’une rédemption…
Les visages de l’Autre sont multiples mais, comme vous le dites, c’est un même soleil qui les éclaire, les réchauffe, les illumine, sans les distinguer. À notre époque qui idolâtre les têtes d’affiche, condamnant au silence et au mépris les marginaux, vous avez jeté votre dévolu sur les anonymes, les exclus, les intouchables, les femmes et les hommes qu’on masque, qu’on cache, qu’on spolie, qu’on emprisonne, qu’on torture et assassine, et vous êtes devenu, au fil des décennies, leur visage, leur soleil…
Chacun de nous aimerait vous ressembler un peu. En cheminant à vos côtés, d’année en année, d’anniversaire en anniversaire, nous espérons vous ressembler toujours plus, toujours mieux, en nous montrant à la hauteur de ce que vous symbolisez au yeux de tant de personnes de part le monde : l’énergie d’une passion inépuisable pour les êtres humains et d’une soif insatiable de justice qui affrontent les murs de la honte et les haines de tous bords, transmet la tolérance et la fraternité.
Même si la beauté de votre âme n’a pas d’âge, nous souhaitons tous vivre ensemble aussi longtemps que possible le bonheur d’en partager avec vous les richesses.
http://www.les75printempsdemonseigneurgaillot.info
Georges BOUKOFF
Le 18 septembre 2010 |
|