MALCOLM X À L’X
Notre création musicale et chorégraphique illustre l’histoire des droits civiques aux USA à travers les répertoires des grands artistes noirs américains. Les victimes des violences policières et les manifestations de masse qui ont mobilisé les citoyens des États-Unis ces derniers mois, et interpelé la communauté internationale, nous ont incité à réfléchir à cette actualité tragique en nous remémorant les luttes des années soixante qui firent triompher l’égalité contre l’apartheid.
Ce spectacle s’intitule Malcolm X en référence à l’une des grandes figures de ce combat qui choisit la lettre symbolique « X » pour effacer le nom que portèrent sous la contrainte ses ascendants esclaves. Malcolm Little préféra « renaître sous X » plutôt que de perpétuer la négation de ses origines africaines. Son disciple et ami, né Cassius Marcellus Clay Jr, fit de même en se rebaptisant Mohamed Ali, à une époque où la conversion à l’Islam était l’alternative la plus radicale pour refuser l’intégration au modèle occidental judéo-chrétien réputé supérieur de la race blanche.
Cependant, nous ne racontons pas l’histoire de Malcolm X, mais celle d’une identité afro-américaine qui réclama par les voix de ses plus illustres représentants qu’elle fût enfin reconnue : celles de Louis Armstrong, Duke Ellington, Ella Fitzgerald, Dizzy Gillespie, Miles Davis, Ray Charles, Aretha Franklin, Nina Simone, BB King, James Brown, Jimi Hendrix, Stevie Wonder, et tant d’autres, auxquelles se sont jointes les voix des artistes militant contre la guerre au Vietnam, Janis Joplin, Joan Baez, Leonard Cohen, Bob Dylan, et tant d’autres, faisant écho aux innombrables voix des contestataires conduits par le pasteur Martin Luther King.
Alors même que la culture afro-américaine inventa le Blues, le Gospel, le Jazz, le Rhythm’n’n’blues, le Rock’n’roll (appellation dans un premier temps utilisée pour distinguer le rhythm and blues des Afro-Américains de celui des Blancs, en raison de la politique raciale de l’époque), la Soul, le Funk, le RAP dont les initiales signifient Rhythm And Poetry, le Hip Hop, et produit les artistes les plus célèbres dans le monde, jusqu’à nos jours qui couronnent sa contribution à l’histoire des États-Unis avec l’élection d’un président métis, la communauté noire américaine, pour une majorité de ses citoyens, est encore aujourd’hui en but à de flagrantes injustices sociales et à des discriminations dont témoigne le traitement à part que leur réserve le système judiciaire et policier.
Nous voulons rappeler que les paroles du pasteur Martin Luther King sont toujours d’actualité et que son rêve d’égalité et de respect des droits de la personne, quelles que soient ses origines ethniques et sociales, exige d’être accompli.
Notre spectacle fédère les associations de danse du Val-de-Marne, So Fly, Unity et Ultimatum School, dirigées par Alexis Sadefo et Timothé Chaumont, les formateurs du GRAC, et des étudiants, musiciens, danseurs, comédiens de L’X et de Sciences Po. Ces jeunes artistes d’origines et de sensibilités très diverses ont partagé les richesses de leurs talents, mêlé leurs différences, en travaillant ensemble pendant un mois et demi au sein d’ateliers transdisciplinaires, afin de réaliser cette création avec toute l’exigence professionnelle requise.
Mais nous ne présentons pas seulement un spectacle. Ce qui se joue dans notre création, c’est la nécessité d’introduire au sein des écoles, grandes et petites, la pratique des arts, d’abolir les frontières entre les élites et les autres, d’inventer des ponts entre des univers qui s’ignorent, d’unir des talents d’où qu’ils viennent, de transgresser les préjugés et les interdits de castes, pour pouvoir vivre entre citoyens un partage qui célèbre les cultures du monde, la solidarité, la créativité.
À l’heure où la fracture culturelle est dénoncée par le gouvernement comme un « apartheid », le GRAC apporte une fois de plus la preuve qu’il est possible de faire tomber les murs invisibles qui séparent tant de catégories de jeunes et de provoquer de passionnantes rencontres entre eux. Il suffit de le vouloir vraiment et d’avoir toujours présent à l’esprit cette phrase admirable de Nelson Mandela : « Cela semble toujours impossible, jusqu’à ce qu’on le fasse. »
Georges BOUKOFF
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